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Les religions légitiment-elles l’inégalité entre hommes et femmes ? Par Virginie Larousse

Les religions légitiment-elles l’inégalité entre hommes et femmes ?

Par Virginie Larousse

Les religions sont très marquées par une pensée patriarcale, où les femmes sont considérées comme inférieures aux hommes. Mais les traditions religieuses n’ont fait que sacraliser des usages séculaires, appelés aujourd’hui à être réinventés, analyse Virginie Larousse, responsable du « Monde des religions ».
Les systèmes religieux ont clairement contribué à asseoir l’inégalité entre les sexes. Dans les religions monothéistes – qu’il s’agisse du judaïsme, du christianisme et de l’islam –, l’emprise du masculin est prégnante, ne serait-ce que par le fait que Dieu, unique et tout-puissant, est pensé au masculin.
De fait, les religions du Livre sont très marquées par une pensée patriarcale, où les femmes sont considérées comme inférieures aux hommes, auxquels elles doivent être soumises, tandis que le pouvoir religieux et l’accès au sacré sont réservés aux hommes.
Il faut souligner que ce sort peu enviable réservé à la gent féminine n’est pas exclusif aux monothéismes : force est de constater que toutes les grandes traditions religieuses, y compris le bouddhisme tibétain, que l’on a tendance à idéaliser, sont empreintes d’un vieux fonds de misogynie plus ou moins latent.
Au fond, les traditions religieuses n’ont fait que sacraliser des usages séculaires. Les textes sacrés sont le fruit d’une époque et d’un contexte, et leur lecture ne saurait être immuable.
Des textes à contextualiser
Cependant, les textes religieux sont le fruit de leur époque. La notion d’égalité entre l’homme et la femme est récente. La première Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, due à Olympe de Gouges, date de 1791 et de la Révolution française, période peu favorable à la religion (en l’occurrence catholique).
Les grands textes fondateurs des religions émanent de civilisations ou d’époques où cette notion n’avait aucun sens. Quand l’apôtre Paul écrit : « Le chef de la femme, c’est l’homme » (1 Corinthiens 11, 3), ou encore « que vos femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis de parler » (1 Corinthiens 14, 34), il ne fait qu’exprimer une évidence pour ses contemporains.
Par ailleurs, le message des grands livres religieux est loin d’être exclusivement misogyne. Ainsi, Jésus était très proche des femmes, à une époque où elles étaient pourtant reléguées au second plan. Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection du Christ, selon les Évangiles, n’est-elle pas parfois surnommée l’« apôtre des apôtres » ? Quant à Paul, il a une affirmation très forte, affirmant qu’« Il n’y a plus ni homme ni femme » (Galates 3, 28), exprimant là l’idée qu’hommes et femmes sont égaux en Christ.
Mahomet, de son côté, a limité à quatre le nombre d’épouses pour chaque homme (Coran 4, 3), alors qu’il n’y avait pas de limite de nombre auparavant. Ce faisant, il énonce une règle sociale destinée à protéger les femmes de la promiscuité et les hommes du célibat forcé.
Par ailleurs, lorsque le Coran fixe la part d’héritage des filles à la moitié de celle des fils, (Coran 4, 11 et 12), il oblige les familles à verser une part aux filles, ce qui pouvait ne pas être le cas du tout à l’époque. Quant au fameux voile dit « islamique », la coutume de se voiler remonte à l’Antiquité, donc bien avant l’islam, et n’a initialement rien à voir avec la religion.
Une conception occidentale du féminisme
Malgré la structure patriarcale des trois religions monothéistes, des femmes ont pu accéder à des possibilités d’action, dans un cadre religieux ou grâce à leur culture. Moniales musiciennes du Moyen Âge, religieuses missionnaires, supérieures de congrégations catholiques du XIXe siècle aux pouvoirs parfois importants, femmes protestantes et juives engagées vers 1900 dans le combat pour l’émancipation du « sexe faible » et, plus près de nous, théologiennes féministes revisitant la Bible, le Talmud ou le Coran, rabbines ou imames : ces situations incitent à nuancer la vision critique du rôle des religions dans l’asservissement des femmes.
À l’heure actuelle, si le voile, parfois imposé aux femmes contre leur volonté, reste un symbole d’oppression pour beaucoup, certaines musulmanes le portent tout en affichant leurs convictions féministes, bousculant les conceptions occidentales traditionnelles du féminisme.
Au fond, les traditions religieuses n’ont fait que sacraliser des usages séculaires. Les textes sacrés sont le fruit d’une époque et d’un contexte, et leur lecture ne saurait être immuable.
In Le Monde du 28/03/2023
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